Les places Vodùn
Les places traditionnelles, cœur et poumons de l’identité portonovienne
A Porto-Novo
Un patrimoine architectural riche et varié composé d’anciennes maisons lignagères ou concessions familiales, de bâtiments afro-brésiliens et coloniaux.
Le visiteur curieux et attentif peut découvrir une multitude de petites places aux fonctions multiples. Des enquêtes ont permis d’en répertorier plus d’une cinquantaine, insérées dans l’ensemble du tissu urbain.
Ce sont des lieux de cohésion sociale, de pratiques cultuelles et culturelles, de transmission de mémoire collective entre générations, mais également des lieux essentiels de mixité, de proximité et de convivialité dans la vie quotidienne.
Elles accueillent d’importantes cérémonies vodùn (hunwê), organisées par des lignages et des adeptes vodùn en l’honneur de leurs divinités. Ces cérémonies assurent l’unité et la cohésion des membres du lignage, tout en offrant aux populations l’occasion de découvrir un patrimoine intangible, traditionnellement très peu accessible, constitué d’objets cultuels, reliques, parures, louanges, chants, percussions et danses sacrées exécutées par des adeptes vodùn. Par ailleurs, si la plupart des places identifiées sont historiquement liées au culte vodùn, d’autres sont également associées aux mosquées et très nombreuses églises chrétiennes, dont celle du Christianisme Céleste, née à Porto-Novo.
Retrouvez tout le sens du projet, à travers la voix de ses parties-prenantes, dans l’émission « si loin si proche », diffusée le 30 juin dernier et intitulée « Places vodouns à Porto-Novo, l’esprit des lieux ».
Au-delà du sacré
Les places traditionnelles jouent un rôle central dans les activités sociales, économiques, religieuses et culturelles de la ville de Porto-Novo.
Ce sont des aires de jeux, de repos, des espaces où se déroulent de grands rassemblements populaires, des campagnes électorales ou de sensibilisation, des fêtes de funérailles, mariages, baptêmes et autres.
Ces places ont une forte valeur culturelle et interculturelle, urbaine et commerciale, puisqu’elles accueillent également des activités de restauration de rue, de ventes de fruits, de légumes et d’articles divers. Ce sont des espaces fonctionnels et créatifs, multireligieux et intercommunautaires, des lieux de prestige social et de mémoire collective reliant patrimoine matériel et immatériel.
Les noms de ces espaces sont liés aux culte vodùn.
Le mot honto signifie par exemple « devanture » et comè signifie « quartier ». Le quartier appartient donc aux vodùn : ainsi Agonsa honto est le quartier de la divinité Agonsa, et Ogou comè est le quartier de la divinité Ogou. Cette façon de concevoir et d’aménager l’espace urbain est propre à la ville de Porto-Novo.
Souvent présentes dès les fondations de la ville, au XVIe siècle, ces places, sont peu visibles pour le néophyte ou le visiteur non initié. Elles organisent pourtant l’espace urbain par leur nombre, leur nature et leurs usages. Ces marqueurs urbains contribuent à révéler la dimension « furtive » de la ville. De nature essentiellement immatérielle, omniprésente à Porto-Novo bien que discrète, la « ville furtive » se nourrit de l’enchevêtrement des récits qui fondent la cité ainsi que des traditions, des cultes et de l’imaginaire urbain de ses habitants. Elle se laisse percevoir à travers les lieux, cérémonies et parcours où se manifeste le patrimoine immatériel et symbolique de la cité.
Contiguës des anciennes maisons lignagères ou concessions familiales, dont elles sont à l’origine la « devanture » (honto), le vestibule, ces places semi-publiques appartiennent à des lignages ou collectivités familiales yoruba, goun, sèto et mahi. Elles se distinguent par la présence de petites niches votives consacrées aux divinités vodùn, lègba, tolègba, de portiques (awanou) ou de kiosques (flo) à finalités cultuelles, d’arbres cultuels tels que le newbouldia laevis (hysope africaine) ou déssérétin en goun, l’iroko (ou lokotin), le fromager (ou adjrohountin). La forte présence de ces arbres sacrés dans le tissu urbain historique contribue fortement, avec les berges de la lagune et les grandes dépressions humides du Donoukin et du Zounvi, à conférer à Porto-Novo son identité de ville verte.
Fruit de la rencontre entre la culture urbaine yoruba et l’organisation sociale et palatiale Gun, les places vodùn permettent de comprendre l’histoire et la culture mixtes de la ville et de ses populations.
En résumé, elles sont à la fois des marqueurs urbains, la mémoire de la ville, le cœur de ses sociabilités, et une composante essentielle de sa trame verte.